Droit Pénal
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DROIT PENAL GENERAL
PLAN
INTRODUCTION
1) Les fondements théoriques du droit pénal
2) La réalité du phénomène criminel
3) Les sources du droit pénale
Première partie : L’INFRACTION
Chapitre premier : LA CLASSIFICATION DES INFRACTIONS
Section I : Les infractions classées selon leur gravité
§ 1 : Les contraventions
§ 2 : Les délits
§ 3 : Les crimes
Section II : Les infractions classées selon leur nature
§ 1 : Les infractions politiques
§ 2 : Les infractions militaires
§ 3 : Les infractions de terrorisme
Chapitre II : L’ELEMENT LEGAL
Section I : Le principe de la légalité des délits et des peines
1) La loi est la principale source de droit pénal
2) Nul ne peut être poursuivi pour des faits qui n’ont pas été
expressément prévu par un texte
3) La loi pénale est d’interprétation stricte
Section II : La hierarchie des normes
§ 1 : Les normes internationales
§ 2 : Les normes nationales
I. La Constitution
II. La loi
III. Le règlement
Section III : L’application de la loi pénale
§ 1 : L’application de la loi pénale dans le temps
I. Le principe
II. L’exception
§ 2 : L’application de la loi pénale dans l’espace
I. Le principe
II. Les extensions au principe
Chapitre II : L’ELEMENT MATERIEL
Section I : Le contenu des infractions
§ 1 : L’action ou l’omission
§ 2 : l’acte unique ou la pluralité d’actes
Section II : Le temps de l’infraction
Section III : Le résultat de l’infraction
§ 1 : L’infraction matérielle ou formelle
§ 2 : La tentative
Chapitre III : L’ELEMENT MORAL
Section I : Les différents degrés de l’élément moral
§ 1 : Les infractions intentionnelles
§ 2 : Les infractions non-intentionnelles
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I. Les infractions d’imprudence
II. Les infractions contraventionnelles
Section II : Les causes d’exonération totale ou partielle de
responsabilité
§ 1 : Les causes subjectives d’exonération
I. Le trouble psychique ou neuropsychique
II. La contrainte
III. L’erreur
§ 1 : Les causes objectives d’exonération
I. L’autorisation de la loi et le commandement de l’autorité légitime
II. La légitime défense
A. La défense des personnes
B. La défense des biens
III. L’état de nécessité
IV. Le consentement de la victime
Deuxième partie : L’AGENT PENAL
Chapitre premier : LA PERSONNE PHYSIQUE
Section I :: L’auteur
Section II : Le coauteur
Section III : Le complice
Chapitre II : LA PERSONNE MORALE
Section I : Les infractions visées
Section II : Le régime juridique de responsabilité applicable
Troisième partie : LA SANCTION PENALE
Chapitre premier : LE PRONONCE DE LA SANCTION PENALE
Section I : Les différentes sanctions pénales
§ 1 : Les peines encourues par les personnes physiques
I. Les peines criminelles
II. Les peines correctionnelles
III. Les peines contraventionnelles
§ 2 : Les peines encourues par les personnes morales
I. Les peines criminelles et correctionnelles
II. Les peines contraventionnelles
Section II : Le quantum de la peine
§ 1 : La pluralité d’infractions
§ 2 : Le passé pénal du délinquant
Chapitre II : L’EXECUTION DE LA SANCTION PENALE
Section I : Le sursis à l’exécution de la peine
§ 1 : Le sursis simple
§ 2 : Le sursis avec mise à l’épreuve (ou sursis probation)
§ 3 : Le sursis assorti de l’obligation d ‘effectuer un travail
d’intérêt général
Section II : Les modes d’exécution de la peine
§ 1 : L’aménagement de la peine lors de son prononcé
§ 2 : L’aménagement de la peine en vue de la réinsertion sociale du
condamné
1) Les mesures non-juridictionnalisées
2) Les mesures juridictionnalisées
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INTRODUCTION
Le droit pénal ou droit criminel (les deux expressions sont synonymes)
au sens étroit, peut être défini
comme « l’ensemble des règles juridiques pourvues d’une peine ». Mais au
sens plus large, il s’agit de
« l’ensemble des lois qui régissent l’exercice de la répression par
l’Etat ». Le droit pénal, c’est le droit
de l’infraction et celui de la réaction sociale qu’elle suscite.
Le droit pénal incrimine et sanctionne les comportements qui portent
atteinte à l’organisation de la vie
sociale et aux valeurs essentielles de la société. La société édicte ces
infractions pour protéger l’ordre
social, sanctionner ceux qui y portent atteinte et dissuader ceux qui
seraient tentés de le faire.
Le droit pénal peut être divisé en trois branches :
- le droit pénal spécial : il établit un catalogue des infractions ;
- la procédure pénale : elle est destinée à mettre en oeuvre le droit
pénal en définissant les règles
applicables à l’organisation et la compétence des juridictions et au
déroulement du procès ;
- le droit pénal général : il concerne l’étude des grandes catégories
d’infraction, des agents
concernés et des sanctions applicables.
Notre étude ne portera que sur cette dernière branche : le droit pénal
général.
1) Les fondements théoriques du droit pénal
Pourquoi la société éprouve t-elle le besoin de sanctionner ceux qui ne
respecte les normes qu’elle
édicte ? Quel est le sens de la peine ? A ces questions, les réponses
sont différentes selon que l’on
adhère au libre arbitre ou au déterminisme :
- Si on adhère au libre arbitre, on considère que le délinquant a
délibérément choisi d’enfreindre la
loi. Dans ces conditions, la peine a une fonction moralisatrice : le
délinquant doit être puni parce
qu’il a commis une faute qu’il doit expier. Mais la peine a aussi une
fonction dissuasive parce que
l’existence d’une peine constitue une menace de nature à dissuader celui
qui se trouve confronter à
l’alternative de commettre une infraction punie d’une peine ou de
respecter la loi et s’abstenir.
- Si on adhère au déterminisme, la peine a une fonction très limitée
puisque l’action de l’homme est
déterminée d’après les conditions dans lesquelles il vit, sa
constitution psychologique,
physiologique. La sanction ne vise pas alors à punir mais à organiser
une réaction sociale.
2) La réalité pratique du phénomène criminel
Il est impossible de connaître le nombre réel des infractions car un
grand nombre d’entre-elles ne sont
jamais découvertes. Le phénomène ne peut se mesurer qu’au regard du
nombre des condamnations
prononcées par les tribunaux et au nombre d’affaires traitées par la
police. Et encore, ces chiffres ne
reflètent pas nécessairement la réalité du phénomène criminel,
l’augmentation ou la diminution de ces
nombres pouvant s’expliquer par une modification de la politique
criminelle. Aussi, parle t-on de
chiffre noir ou obscur de la criminalité pour désigner la différence
entre les criminalités réelles et
apparentes. Ce chiffre noir varie selon les infractions, certaines étant
plus occultes que d’autres.
Ainsi, quelques chiffres pour la criminalité en 1998 (extrait de
l’ouvrage de G. Stéfani, G. Levasseur,
B. Bouloc, Droit pénal général, Dalloz, 17e éd., 2000) :
- les Cours d’assises ont prononcées 3 260 condamnations ;
- les tribunaux correctionnels ont prononcés 449 330 condamnations ;
- les tribunaux de police ont prononcés près de 400 000 condamnations
(sans compter les
contraventions jugées selon une procédure simplifiée).
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Les parquets des procureurs de la République ont reçu, pour la seule
année 1998, 18 millions de
plaintes et de procès-verbaux. Plus d’un tiers ont donné lieu à une
classement sans suite. Certaines
donneront également lieu à une relaxe, un acquittement ou un non-lieu.
Le droit pénal est un instrument destiné à endiguer le phénomène
criminel. Il est difficile de mesurer
exactement l’ampleur du phénomène criminel.
La criminologie est une science visant à dégager les causes du phénomène
criminel grâce à l’apport
d’autres sciences, telles que les sciences médicales ou sociales.
La politique criminelle est une science destinée à recenser les
différents moyens de lutte contre le
crime.
3) Les sources du droit pénal
Le Code pénal de 1810 a été, comme toutes les oeuvres napoléoniennes,
une oeuvre de compromis. Il
restera en vigueur pendant plus de 170 ans. Naturellement, au cours de
cette période, de nombreux
articles ont été remaniés, supprimés, crées. Beaucoup de lois spéciales
se trouvaient hors du Code
pénal. Il a été complètement abrogé
Le nouveau Code pénal , résultant de quatre lois du 22 juillet 1992, est
entré en vigueur les 1er mars
1994. Il apporte quelques changements importants, en particulier :
- la responsabilité pénale des personnes morales ;
- l’erreur inévitable qui devient une cause d’exonération de
responsabilité pénale ;
- la disparition des peines minimales, ne subsiste plus qu’un maximum
légal ;
- la disparition des circonstances atténuantes ;
- la disparition des peines d’emprisonnement pour les contraventions.
En dehors de ces changement, le droit pénal général n’a pas été
bouleversé. Les règles qu’il contient
gouvernement trois grandes questions :
- L’infraction (première partie) ;
- L’agent punissable (deuxième partie) ;
- La sanction pénale (troisième partie).
Première partie : L’INFRACTION
L’infraction a pu être définie comme « tout fait contraire à l’ordre
social, qui expose celui qui l’a
commis à une peine et ou à une mesure de sûreté (assistance,
surveillance, traitement, cure de
déxintoxication, travail d’intérêt général, suivi socio-judiciaire) » G.
Stéfani, G. Levasseur, B. Bouloc,
Droit pénal général, Dalloz, 17e éd., 2000, n°93.
Elle a pu être aussi définie comme « une action ou une omission définie
et punie par la loi pénale,
imputable à son auteur et ne se justifiant pas par l’exercice d’un droit
» G. Levasseur ; A. Chavanne, J.
Montreuil, B. Bouloc, Droit pénal général et procédure pénale, 13e éd.,
Sirey, 1999.
Après avoir vu la classification des infractions (chapitre 1), nous
verrons les différents éléments
constitutifs de l’infraction :
- L’élément légal : la loi pénale incrimine t-elle le comportement
envisagé ? (chapitre 2) ;
- l’élément matériel : l’action ou l’omission est-elle punie par la loi
? (chapitre 3) ;
- l’élément moral : le comportement est-il imputable à son auteur ?
(chapitre 4).
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Chapitre premier : LA CLASSIFICATION DES INFRACTIONS
On peut distinguer les infractions selon leur gravité (section I) et
selon leur nature (section II).
Section I : Les infractions classées selon leur gravité
L’art. 111-1 du Code pénal dispose : « Les infractions pénales sont
classées selon leur gravité, en
crimes, délits et contraventions. » L’art. 111-2 poursuit : « La loi
détermine les crimes et délits et fixe
les peines applicables à leurs auteurs. Le règlement détermine les
contraventions et fixe, dans les
limites et selon les distinctions établies par la loi, les peines
applicables aux contraventions ».
Comme le prévoit l’art. 111-1 du Code pénal, les infractions sont
classées, suivant leur gravité, en
contraventions (§1), délits (§2) et crimes (§3). Les peines indiquées
dans les textes sont des plafonds
maximum. Le juge peut prononcer une peine inférieure mais il ne peut
jamais dépasser le maximum
indiqué par la loi.
Il faut cependant signaler ici une pratique qu’on appelle « la
correctionnalisation judiciaire » que la
Cour de cassation a jugé illégale (Crim., 3 fév. 1988, J.C.P.
1988-IV-133) qui consiste à retenir la
qualification erronée de « délit » au lieu de « crimes » afin d’éviter
l’engorgement des cours d’assises
et de faire juger le délinquant par le tribunal correctionnel pour des
infractions, qualifiées de crimes
par le législateur mais que la pratique juge moins grave. Dans ce cas,
le parquet poursuit en qualifiant
les faits de délit. Cela suppose aussi l’accord du tribunal
correctionnel et de la personne poursuivie.
§ 1 : Les contraventions
C’est le pouvoir réglementaire qui est seul compétent en matière
contraventionnelle.
Les contraventions sont les infractions punies d’une peine
contraventionnelle, c’est-à-dire une peine
d’amende n’excédant pas 20.000 F.
Il existe 5 classes de contraventions. La peine pour la contravention de
la 1re classe est de 250 Frs et
pour la contravention de la 5e classe, la peine est de 10.000 F. portée
à 20.000 F. en cas de récidive.
Depuis le nouveau Code pénal, les contraventions ne sont jamais punies
de peine d’emprisonnement,
même en cas de récidive.
Le principe de non-cumul des peines ne joue que pour les crimes et
délits. Il ne joue pas pour les
contraventions : les peines contraventionnelles se cumulent.
Les contraventions sont jugées par le tribunal de police.
L’action publique est prescrite au bout d’un an. La prescription de la
peine, c’est-à-dire, le délai audelà
duquel on ne peut plus faire subir au condamné la peine prononcée contre
lui, est de deux ans.
§ 2 : Les délits
Seuls le législateur est compétent en matière de délit.
Les délits sont les infractions punies d’une peine correctionnelle,
c’est-à-dire une peine
d’emprisonnement de 10 ans au plus et/ou une amende au moins égale à
25.000 F.
Mais les peines correctionnelles peuvent aussi être plus variées. L’art.
131-3 précise que les peines
correctionnelles encourues par les personnes physiques « sont : 1°
L’emprisonnement ; 2° L’amende ;
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3° Le jour-amende ; 4° Le travail d’intérêt général ; 5° Les peines
privatives ou restrictives de droits
prévues à l’art. 131-6 ; 6° Les peines complémentaires prévues à l’art.
131-10. »
Les peines d’emprisonnement vont de « dix ans au plus » à « six mois au
moins ». (art. 131-4 du Code
pénal). Comme dans l’ancien Code, la législateur n’a pas organisé un
système spécifique de peines
applicables en matière de délits politiques.
Les délits sont jugés par le tribunal correctionnel. L’instruction est
facultative en matière de délits et,
sauf voie de recours exercée devant la Chambre de l’instruction, elle
n’a lieu que devant le juge
d’instruction. La procédure dite de la « comparution immédiate » n’est
possible qu’en matière de délit.
L’action publique est prescrite au bout de trois ans. La prescription de
la peine, c’est-à-dire, le délai
au-delà duquel on ne peut plus faire subir au condamné la peine
prononcée contre lui, est de cinq ans.
§ 3 : Les crimes
Seul le législateur est compétent en matière criminelle.
Les crimes sont les infractions punies d’une peine criminelle.
Les peines criminelles encourues par les personnes physiques sont, selon
l’art. 131-1 du Code pénal :
« 1° La réclusion criminelle ou la détention criminelle à perpétuité ;
2° La réclusion criminelle ou la
détention criminelle de trente ans au plus ; 3° La réclusion criminelle
ou la détention criminelle de
vingt ans au plus ; 4° La réclusion criminelle ou la détention
criminelle de quinze ans au plus.
La durée de la réclusion criminelle ou de la détention criminelle à
temps est de dix ans au moins. »
Le nouveau Code pénal a maintenu la traditionnelle distinction entre les
peines criminelles de droit
commun punies par la réclusion criminelle et les peines criminelles
politiques punies par la détention
criminelle.
Les crimes sont jugés par la cour d’assises. Une instruction est
obligatoire pour les crimes et elle a
nécessairement lieu à deux degrés, le premier devant le juge
d’instruction, le second devant la
Chambre de l’instruction.
L’action publique est prescrite au bout de dix ans. La prescription de
la peine, c’est-à-dire, le délai audelà
duquel on ne peut plus faire subir au condamné la peine prononcée contre
lui, est de vingt ans.
Section II : Les infractions classées selon leur nature
Le législateur soumet les infractions à un régime particulier selon leur
nature. Les actes de terrorisme
sont poursuivis, jugés et punis selon des règles souvent dérogatoires au
droit commun. On oppose aux
infractions de droit commun les infractions politiques (§1), les
infractions militaires (§2) et les
infractions de terrorisme (§3).
§ 1 : Les infractions politiques
La loi ne fournit aucun élément décisif de nature à distinguer
clairement les infractions politiques des
infractions de droit commun. Certes, les crimes politiques sont punis de
la détention criminelle et non
de la réclusion criminelle, mais la peine est de même nature s’agissant
des délits politiques et des
délits de droit commun.
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La jurisprudence semble définir l’infraction politique en fonction de
son objet. Sont politiques, les
infractions qui ont pour objet de porter atteinte à l’ordre politique de
l’Etat. Cet objet politique doit
s’entendre comme toute atteinte à l’organisation et au fonctionnement
régulier des pouvoirs publics.
Peu importe, semble t-il pour la jurisprudence, le mobile de l’auteur de
l’infraction. Ainsi l’assassinat
d’un chef d’Etat a été considéré par la Cour de cassation comme un crime
de droit commun, les
mobiles politiques de son auteur étant jugés indifférents pour la
qualification de l’infraction.
Même si l’auteur de ces infractions est sans doute animé d’une intention
moins perverse que le
délinquant de droit commun, il n’en demeure pas moins que ces
infractions font courir à la société un
risque tout particulier puisqu’elles visent l’ordre établi.
Pendant longtemps, il a existé un régime spécifique pour les infractions
politiques. Aujourd’hui, les
crimes et délits politiques sont instruits et jugés par les juridictions
de droit commun. Cependant,
lorsque les faits constituent un crime ou délit réprimés par les art.
411-1 à 411-11 et 413-1 à 413-12 du
Code pénal (trahison, espionnage, et autres atteintes à la défense
nationale), l’instruction et le
jugement sont régis par des dispositions dérogatoires au droit commun.
Ainsi, la cour d’assises
compétente pour juger ces crimes est composée de 7 magistrats
professionnels et ne comporte pas de
jury populaire.
§ 2 : Les infractions militaires
Les infractions militaires sont définies et sanctionnées par le livre
III du Code de justice militaire qui
incriminent certains comportements particuliers (désertion, mutilation
volontaire, etc…). Ces
infractions ne posent pas de difficultés de qualification : seuls des
militaires peuvent les commettre.
Les militaires qui commettent des infractions de droit commun sont jugés
comme les particuliers.
La loi du 21 juillet 1982 a supprimé les tribunaux permanents des forces
armées qui obéissaient à des
règles de procédures spécifiques. Désormais, dans le ressort de chaque
cour d’appel, une formation
spécialisée d’un tribunal de grande instance est chargée d’instruire et
de juger les délits commis en
temps de paix. Le procureur est saisi par la dénonciation des faits
réalisée par l’autorité militaire. Une
cour d’assises sans jury est compétente pour juger ces infractions
militaires.
En temps de guerre, et même en état de siège, état d’urgence ou lorsque
les forces armées
françaises stationnent ou opèrent hors du territoire national, il est
établi, sur le territoire de la
République, des tribunaux territoriaux des forces armées. Ces
juridictions seraient
compétentes pour juger les auteurs d’infraction militaire ou les
militaires auteurs d’infractions
de droit commun mais aussi des crimes et délits contre le sûreté de
l’Etat.
§ 3 : Les infractions de terrorisme
La notion d’actes de terrorisme est récente. Elle est apparu en 1986
lorsque le législateur a souhaité
renforcer la répression de ce type d’infraction. L’infraction sera
qualifiée de terrorisme en fonction du
mobile qui anime son auteur et le contexte dans lequel elle est commise.
Constituent des actes de terrorisme, à condition d’être «
intentionnellement en relation avec une
entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler
gravement l’ordre public par
l’intimidation ou la terreur », certaines infractions réprimées en droit
commun énumérées par le texte
et d’autres infractions spécifiques (art. 421-1 du Code pénal).
Néanmoins, il faut signaler qu’INTERPOL considère que les terroristes
coupables de crimes de sang
doivent être traités comme des criminels de droit commun, quelle que
soit leur motivation. Les
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infractions relevant du terrorisme ne sont pas traités comme des
infractions politiques. La France a
d’ailleurs ratifié la Convention européenne pour la répression du
terrorisme, le 16 juillet 1987, aux
termes de laquelle certaines infractions graves ne peuvent être
assimilées à des infractions politiques
du point de vue de l’extradition.
La loi du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre le terrorisme
dispose que pour le jugement des
majeurs accusés de l’une des infractions visées par l’art. 706 du Code
de procédure pénale (infractions
relevant du terrorisme), la cour d’assises sera composée d’un président
et 6 magistrats assesseurs, sans
jury.
Chapitre II : L’ELEMENT LEGAL
Après avoir exposé le principe de la légalité (section I), nous
envisagerons d’abord les normes
juridiques de droit pénal (section II) puis les conditions de leur
application (section III).
Section I : Le principe de la légalité des délits et des peines
Ce principe est souvent considéré comme la clé de voûte du droit
criminel. Il est exprimé sous la
forme d’un adage : « Nullum crimen, nulla poena sine lege ».
La Révolution a consacré le principe de la légalité des délits et des
peines que l’on fait volontiers
remonté au XVIIIe siècle. L’art. 7 de la Déclaration des droit de
l’homme de 1789 dispose que : « nul
homme ne peut être arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la
loi et dans les formes qu’elle a
prescrites » et l’art. 8 ajoute que : « la loi ne peut établir que des
peines strictement et évidemment
nécessaires et que nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie
et promulguée antérieurement au
délit et légalement appliquée. » Ce principe a donc une valeur
constitutionnel.
La Convention européenne des droits de l’homme et des libertés
fondamentales signée le 4 nov. 1950
affirme elle aussi le principe de la légalité (art. 7-7).
Aujourd’hui, il est notamment inscrit dans le Code pénal.
Ce principe entraîne plusieurs grandes conséquences :
1) La loi est la principale source du droit pénal
Pendant longtemps, on a pensé que seule la loi pouvait constituer la
source du droit pénal. On pensait
qu’il s’agissait là d’une importante garantie contre l’arbitraire.
Mais progressivement, le processus législative est apparue trop lourd et
une place de plus en plus
importante a été laissé au pouvoir réglementaire, qui est devenu une
autre source du droit pénal. Il est
en particulier compétent en matière de contravention et de procédure
pénale.
La loi reste la source exclusive en matière de crimes et de délits.
Ainsi, l’art. 111-2 du Code pénal
indique : « La loi détermine les crimes et les délits (…) le règlement
détermine les contraventions. »
2) Nul ne peut être poursuivi pour des faits qui n’ont pas été
expressément prévu par un texte
L’art. 111-3 du Code pénal : « Nul ne peut être puni pour un crime ou
pour un délit dont les éléments
ne sont pas définis par la loi, ou pour une contravention dont les
éléments ne sont pas définis par le
règlement. Nul ne peut être puni d’une peine qui n’est pas prévue par la
loi, si l’infraction est un
crime ou un délit, ou par un règlement, si l’infraction est une
contravention. »
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L’art. 112-1 du Code pénal reprend le principe : « Sont seuls
punissables les faits constitutifs d’une
infraction à la date à laquelle ils ont été commis ».
En l’absence de texte punissant le comportement moralement condamnable
et socialement nuisible, la
seule solution est la relaxe ou l’acquittement. Souvent, le législateur
intervient ensuite en créant une
nouvelle infraction qui ne pourra entraîner la condamnation que des
comportements postérieurs à son
entrée en vigueur. Tel fut le cas pour le délit de grivèlerie ou
filouterie d’aliments punissant le fait de
se faire servir des aliments tout en sachant qu’on ne dispose pas de
moyens pour les payer ou encore
de la contravention de défaut de paiement d’autoroute. Plus récemment,
on a crée le délit d’incitation
au suicide à la suite de la publication de l’ouvrage « Suicide, mode
d’emploi » qui, dans un premier
temps, n’a pas pu entraîner la condamnation de son auteur faute de texte
incriminant l’incitation au
suicide.
3) La loi pénale est d’interprétation stricte
Le principe de la légalité a notamment pour conséquence d’imposer une
interprétation restrictive de la
loi pénale : « La loi pénale est d’interprétation stricte » (art. 111-4
du Code pénal).
Toute interprétation par analogie est contraire au principe de légalité.
Néanmoins, cela ne signifie pas
que le texte pénal doit être interprété restrictivement : le juger doit
tirer toutes les conséquences du
texte que le législateur a voulu lui attacher.
Ainsi, par exemple, à propos du mot « domicile » en matière de violation
de domicile, la Cour de
cassation refuse de considérer que la voiture automobile était le
prolongement du domicile, comme l’y
invitaient certains auteurs et juridictions du fond. De même le viol a
suscité des difficultés
d’interprétation. Le viol est « tout acte de pénétration sexuelle, de
quelque nature que ce soit, commis
sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise ».
La Chambre criminelle a
considéré qu’une fellation constitue un viol (Crim. 22 août 1984, Bull.
crim. n°71) ainsi que le fait
d’introduire un corps étranger dans l’anus de la victime (Crim. 5 sept.
1990, Bull. crim. n°313).
Parfois le législateur intervient pour préciser le sens d’un terme.
Ainsi la loi du 22 juillet 1996 a ajouté
à l’art. 132-75 du Code pénal un alinéa précisant que l’utilisation d’un
animal pour tuer, blesser ou
menacer est assimilée à l’usage d’une arme alors que cette assimilation
avait été jusqu’alors contestée.
Le juge ne saurait prononcer une autre peine que celle prévue par le
texte, ni dépasser le maximum de
la peine encourue. Le nouveau Code pénal ne prévoit plus de minimum.
Sous cette réserve, le juge
dispose donc d’une latitude assez grande, il a notamment très souvent le
choix entre plusieurs types de
peines, le prononcé ou non de peines complémentaires. Cette liberté est
encore plus renforcée au stade
de l’exécution de la peine.
Cependant, il faut rappeler une pratique fréquente, déjà signalée,
connue sous l’expression
« correctionnalisation » qui consiste à ne pas appliquer tout le texte
pénal, à retenir une qualification
plus favorable au délinquant (ne pas relever toutes les circonstances
aggravantes) dans le but de
renvoyer l’affaire devant le tribunal correctionnel. Cette pratique est
généralement acceptée par le
délinquant et la victime. Les décisions sont ainsi rendues plus
rapidement et entraînent des frais de
justice moins lourds. Cependant, la Cour de cassation, si elle en était
saisie, ne manquerait pas de
sanctionner une telle pratique.
Section II : La hiérarchie des normes
Il existe une hiérarchie des normes. Les normes internationales (§1) ont
une valeur supérieure aux
normes nationales (§2).
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§ 1 : Les normes internationales
En vertu de l’art. 55 de la Constitution, les traités régulièrement
ratifiés ont une valeur supérieure aux
lois. Cela signifie que le juge pénal doit écarter l’application d’un
texte national si celui-ci est contraire
à une norme internationale.
Parmi les textes internationaux les plus importants, on peut citer la
Convention européenne de
sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ratifiée
par la France le 31/12/73. En
effet, s’agissant de ce texte, tout citoyen peut, depuis un décret du 9
octobre 1981, saisir la Cour
européenne des droits de l’homme siégeant à Strasbourg afin d’obtenir la
condamnation d’un Etat
ayant ratifié cette convention et qui n’en respectait pas le contenu.
C’est ainsi que la France a dû
élaborer une législation en 1991 sur les écoutes téléphoniques à la
suite d’une condamnation par la
Cour européenne.
En principe, les lois étrangères ne constituent pas des sources de droit
pénal. Cependant, il en est
autrement des traités passés avec les Etats étrangers qui doivent être
appliqués en vertu de l’article 55
de la Constitution.
§ 2 : Les normes nationales
Au sommet de la hiérarchie figure la Constitution (I). Depuis la
Constitution de 1958, coexistent deux
sources nationales de droit pénal : la loi (II) et le règlement (III).
La coutume ne peut pas être source
de droit pénal, comme elle l’est en matière civile ou commerciale.
Ainsi, s’agissant d’une poursuite
pour avortement, il était soutenu que la loi était « objectivement
mauvaise et immorale, caduque ». La
Cour de cassation a rejeté cet argument : il appartient au seul
législateur de supprimer les infractions
qui semblent contraire à la volonté générale du corps social.
I. La Constitution
La Constitution du 4 octobre 1958 a une valeur supérieure aux lois et
aux règlements. Le préambule de
la Constitution renvoie à la Déclaration des droits de l’homme et
citoyen de 1789 et au préambule de
la Constitution de 1946 qui énonce d’autres droits de l’homme. Le
Conseil Constitutionnel veille à la
conformité des lois votées par le Parlement au bloc de
constitutionnalité.
II. La loi
La loi votée par le Parlement (Assemblée nationale et Sénat) est la
principale source du droit pénal. En
vertu de l’art. 34 de la Constitution, seul le législateur est compétent
en matière de crimes et de délits.
Le Code pénal de 1992 est entré en vigueur depuis le 1er mars 1994. La
partie législative du Code
comprend 5 livres : le premier est relatif aux dispositions générales,
le deuxième aux crimes et délits
contre les personnes, le troisième aux crimes et délits contre les
biens, le quatrième aux crimes et délits
contre la Nation, l’Etat et la paix publique et le cinquième aux autres
crimes et délits.
III. Le règlement
Le règlement émane du pouvoir exécutif. L’art. 37 de la Constitution
donne compétence au pouvoir
exécutif en matière de contravention. Il peut s’agir du gouvernement
mais aussi d’autorités locales,
telles que le préfet ou le maire qui disposent d’un certain pouvoir
réglementaire, en particulier en
11
matière de police. L’inobservation du « règlement de police » (du maire
ou du préfet) fait encourir la
peine prévue pour les contraventions de 1re classe.
Le juge judiciaire, notamment le tribunal de police, peut être amené à
apprécier la légalité d’un
règlement administratif, tel un arrêté municipal. Le juge répressif a le
pouvoir de statuer sur la validité
d’un texte réglementaire dont la validité est contestée (art. 111-5 du
Code pénal) Si l’arrêté est jugé
illégal, son application au litige sera écartée. Seul le juge
administratif peut annuler un texte
réglementaire.
Section III : L’application de la loi pénale
L’application de la loi pénale suscite des difficultés dans le temps
(§1) et dans l’espace (§2).
§ 1 : L’application de la loi pénale dans le temps
I. Le principe
Le principe est celui de la non-rétroactivité des lois pénales. Si une
loi crée une nouvelle infraction ou
aggrave les peines d’une infraction existante, elle ne s’appliquera
qu’aux faits commis postérieurement
à son entrée vigueur.
Ce principe a valeur constitutionnelle, ce qui signifie que le
législateur ne peut méconnaître cette règle
et édicter une loi pénale rétroactive. Selon l’art. 112-1 al. 1 et 2 du
Code pénal : « Sont seuls
punissables les faits constitutifs d’une infraction à la date à laquelle
ils ont été commis. Peuvent seules
être prononcées les peines légalement applicables à la même date ».
Ce principe est une garantie fondamentale de la liberté des citoyens.
Ils ont « un droit d’attente
légitime » à ce qu’on ne vienne pas leur reprocher des actes qui, au
moment où ils ont été accomplis,
étaient parfaitement conformes à la loi. Ce serait en quelque sorte
modifier, en cours de partie, la règle
du jeu…
II. L’exception
L’exception concerne les lois pénales plus douces. Les lois qui
suppriment une infraction ou
diminuent le montant de la peine s’applique non seulement aux faits
commis avant leur entrée en
vigueur et non encore jugées mais également aux faits déjà jugés mais
dont la décision peut encore
faire l’objet d’un recours en appel ou même en cassation.
Ce principe de la rétroactivité in mitius consacré par l’art. 112-1 al.
3 du Code pénal a aussi une valeur
constitutionnelle. (Ccel, 19-20 janv. 1981) Cet article dispose «
Toutefois les dispositions nouvelles
s’appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et
n’ayant pas donné lieu à une
condamnation passée en force de chose jugée lorsqu’elles sont moins
sévères que les dispositions
anciennes ».
Le principe est rappelé par l’art. 112-2 du Code pénal qui prévoit que
les dispositions nouvelles
« s’appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et
n’ayant pas donné lieu à une
condamnation passée en force de chose jugée lorsqu’elles sont moins
sévères que les dispositions
anciennes ».
Cependant, il faut signaler que cette règle ne concerne que les règles
de fond. Les règles de forme
relatives à la constatation, à la poursuite de l’infraction, à la
compétence et à la procédure s’appliquent
12
immédiatement, même au jugement de faits commis avant leur entrée en
vigueur. Le nouveau Code
pénal a consacré cette règle jurisprudentielle : « Sont applicables
immédiatement à la répression des
infractions commises avant leur entrée en vigueur : 1°Les lois de
compétence et d’organisation
judiciaire, tant qu’un jugement au fond n’a pas été rendu en première
instance ; 2° Les lois fixant les
modalités de poursuite et les formes de la procédure » (art. 112-2 du
Code pénal).
L’application de cette règle n’est pas sans susciter parfois des
difficultés, en particulier parce qu’il
n’est pas toujours facile de déterminer si une loi pénale est ou non
plus douce. Ainsi, lorsque la loi
nouvelle contient à la fois des dispositions plus sévères et des
dispositions plus douces, on prendra en
compte ce qui prédomine, en donnant la plus grande importance à la peine
principale.
L’idée est que la loi nouvelle constitue un progrès par rapport à
l’ancienne : il faut donc l’appliquer
immédiatement y compris aux procès en cours pour des faits antérieurs à
son entrée ne vigueur. L’idée
aussi est que si le législateur a édicté une peine moins sévère ou a
supprimé une infraction, c’est que la
sévérité ancienne n’est plus aujourd’hui socialement nécessaire.
§ 2 : L’application de la loi pénale dans l’espace
Là encore, il y a un principe (I) et des extensions à ce principe (II).
I. Le principe
L’art. 113-2 du Code pénal dispose que la loi pénale française est
applicable aux infractions commises
sur le territoire de la République française (métropole, départements
d’Outre-mer et territoires
d’Outre-mer, les eaux territoriales et l’espace aérien au dessus de ces
territoires).
C’est le principe de la territorialité de la loi pénale. Peu importe la
nationalité de l’auteur ou de la
victime de l’infraction. Néanmoins, la coutume internationale et la
Convention de Vienne (ratifiée par
la France en 1970) assurent l’immunité aux diplomates dûment accrédités,
ainsi qu’aux membres de
leurs familles.
L’art. 113-3 du Code pénal dispose que « La loi pénale française est
applicable aux infractions
commises à bord des navires battant pavillon français ou à l’encontre de
tels navires, en quelque lieu
qu’ils se trouvent. Elle est seule applicable aux infractions commises à
bord des navires de la marine
nationale, ou à l’encontre de tels navires, en quelque lieu qu’ils se
trouvent ».
L’art. 113-4 du Code pénal dispose que la loi pénale est applicable «
aux infractions commises à bord
des aéronefs immatriculés en France ou à l’encontre de tels aéronefs en
quelque lieu qu’ils se
trouvent. Elle est seule applicable aux infractions commises à bord des
aéronefs militaires français,
ou à l’encontre de tels aéronefs, en quelque lieu qu’ils se trouvent. »
II. Les extensions du principe
Le juge français est compétent pour juger une infraction, dont une
partie seulement a été commise en
France. L’al. 2 de l’art. 113-2 du Code pénal indique que « L’infraction
est réputée commise sur le
territoire de la République dès lors qu’un de ses faits constitutifs a
eu lieu sur ce territoire ».
Il est également compétent pour juger l’auteur d’un acte de complicité
accompli en France d’un crime
ou délit commis à l’étranger (art. 113-5 du Code pénal).
Le juge français est compétent si l’auteur de l’infraction est un
ressortissant français. Néanmoins, s’il
s’agit d’un délit, la loi française ne s’applique sur « si les faits
sont punis par la législation du pays où
ils ont été commis ».
13
Le juge français est également compétent dans certains cas où la victime
de l’infraction est française :
« La loi française est applicable à tout crime, ainsi qu’à tout délit
puni d’emprisonnement, commis
par un français ou par un étranger hors du territoire de la République,
lorsque la victime est de
nationalité française au moment de l’infraction » (art. 113-7 du Code
pénal). Néanmoins, deux
conditions sont requises : 1° que les poursuites soient exercée à la
requête du ministère public au vu
d’une plainte ou d’une dénonciation officielle par l’autorité du pays où
le fait a été commis (art. 113-
8) ; 2° que le personne n’ait pas déjà fait l’objet d’un jugement
définitif à l’étranger pour les faits
considérés (art. 113-9). Ces deux conditions ne sont pas requises à
l’encontre de l’auteur d’une atteinte
sexuelle sur la personne d’un mineur de 15 ans (art. 227-26 modifié par
une loi du 1er fév. 1994) afin
de mieux réprimer le « tourisme sexuel ».
Le juge français est compétent (art. 113-10 du Code pénal) si
l’infraction, bien que commise à
l’étranger, menace les intérêts de la France (fabrication de fausse
monnaie, espionnage, etc…).
Chapitre II : L’ELEMENT MATERIEL
Pour qu’une infraction soit commise, il faut que le comportement se
matérialise par un fait extérieur,
un comportement objectivement constatable. Il ne suffit pas d’avoir eu
une intention coupable, il faut
qu’un acte matériel ait été commis. Le droit pénal ne sanctionne pas les
intentions coupables tant
qu’elles ne se sont pas matérialisées par un certain comportement.
L’élément matériel de l’infraction peut varier d’après le contenu
(section I), le temps (section II) ou le
résultat (section III) de l’infraction.
Section I : Le contenu de l’infraction
L’infraction peut découler d’une action ou d’une omission (§1), de
l’accomplissement d’un seul acte
ou de plusieurs actes (§2).
§ 1 : L’action ou l’omission
« Qui peut et n’empêche, pèche » (Loysel) disait-on volontiers sous
l’ancien droit.
Mais avec le principe de la légalité des infractions et celui de
l’interprétation stricte de la loi pénale qui
en découle, il est apparu difficile d’assimiler une abstention, une
omission aussi condamnable soit-elle
sur le plan moral à une action positive.
Ainsi, la jurisprudence a t-elle refusé de sanctionner le fait pour sa
famille d’avoir laisser une pauvre
folle sans soins. La cour d’appel de Poitiers (20 nov. 1901), dans cette
affaire célèbre de la séquestrée
de Poitiers, a refusé de prononcer une condamnation pour blessures
volontaires en dépit du résultat
produit. A l’époque, le délit de non-assistance à personne en péril
n’existait pas.
En vertu du principe de l’interprétation stricte de la loi pénale, la
jurisprudence a toujours refusé de
sanctionner une abstention au titre d’une infraction de commission. Le
texte doit expressément
incriminer l’omission. Il appartient au législateur de prévoir un délit
d’omission mais il n’est pas
possible, en l’absence de texte, d’assimiler une omission à une action
même le résultat produit est
identique.
La plupart des infractions sont des infractions de commissions, ce qui
signifie que l’élément matériel
consiste en l’accomplissement d’un acte positif : le meurtre, le vol,
l’escroquerie, le viol, etc…
14
Certaines infractions sont d’omission, la conduite condamnable
consistant en une abstention. On
reproche à l’agent de ne pas avoir fait ce que la loi lui commandait de
faire : non-assistance à personne
en péril (art. 223-6 du Code pénal, délaissement d’une personne qui
n’est pas en mesure de se protéger
(art. 223-3 du Code pénal), etc…
§ 2 : L’acte unique ou la pluralité d’actes
L’infraction peut résulter de la commission d’un seul acte :
l’infraction est dite simple. Tel est le cas
par exemple du vol qui résulte de la soustraction frauduleuse de la
chose d’autrui. (art. 311-1 du Code
pénal)
L’infraction peut résulter de la commission de plusieurs actes :
l’infraction est dite complexe. Tel est
le cas par exemple de l’escroquerie qui suppose l’accomplissement de
manoeuvres et la remise d’une
chose par la victime. (art. 313-1 du Code pénal)
L’infraction peut résulter de l’accomplissement de plusieurs actes
semblables dont chacun pris
isolément n’est pas punissable mais dont la répétition constitue
l’infraction : l’infraction est dite
d’habitude. En général, l’infraction est constituée dès
l’accomplissement d’un deuxième acte. Tel est
le cas par exemple de l’infraction d’exercice illégal de la médecine
(art. L. 372 du Code de la Santé
publique)
Les intérêts essentiels de la distinction sont relatifs à la
prescription de l’action publique et à
l’application de loi nouvelle.
Section II : Le temps de l’infraction
L’infraction instantanée est celle qui se consomme en un seul trait de
temps par une action ou une
omission dont la durée est indifférente : par exemple, le meurtre, le
vol.
L’infraction continue est celle qui se consomme par une action ou une
omission exigeant une certaine
continuité, une réitération constante de la volonté coupable : par
exemple le port illégal de décoration
(art. 433-14 du Code pénal) , le recel (art. 321-1 du Code pénal).
Les intérêts tenant à la distinction entre les infractions instantanées
et les infractions continues sont
multiples. Ils tiennent notamment à la détermination du point de départ
du délai de prescription, à
l’application de la loi nouvelle, à la compétence territoriale de la
juridiction de jugement.
Section III : Le résultat de l’infraction
Parfois le comportement est punissable indépendamment du résultat
produit. Tel est le cas lorsque
l’infraction est dite formelle (§1) ou lorsqu’elle est simplement tentée
(§2) sans être consommée.
§ 1 : L’infraction matérielle ou formelle
L’infraction matérielle est celle qui n’est pleinement consommée que par
l’obtention du résultat prévu
par la loi. Le résultat est un élément constitutif de l’infraction. La
plupart des infractions sont des
infractions matérielles. Tel est le cas du vol, du meurtre qui supposent
la réalisation d’un préjudice.
L’infraction formelle est celle pour laquelle le législateur à seulement
incriminer un certain
comportement (la mise en danger d’autrui, art. 434-15 du Code pénal), ou
l’emploi de certains moyens
(l’empoisonnement, art. 225-5 du Code pénal : il suffit d’avoir
administrer ou employer des substances
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de nature à entraîner la mort) indépendamment du résultat produit.
L’infraction est parfaitement
constituée dès lors que les actes incriminés ont été accomplis, même si
le résultat visé n’a pas été
obtenu. Il suffit que l’agent ait accompli tous les actes nécessaires à
la constitution de l’infraction :
l’infraction sera consommée quel que soit le résultat produit.
Cette distinction entre l’infraction matérielle et formelle présente un
intérêt du point de vue de la
tentative. En effet, s’agissant des infractions formelles, il est
difficile de distinguer l’infraction
consommée de sa tentative puisque l’acte est prohibé dès son
accomplissement indépendamment du
résultat produit.
§ 2 : La tentative
Même si, pour les infractions matérielles, le résultat est un élément
constitutif de l’infraction, cela ne
signifie pas que le comportement n’est punissable en l’absence de
résultat dommageable. Il pourra
l’être sur le terrain de la tentative.
L’art.121-5 Code pénal dispose « La tentative est constituée dès lors
que manifestée par un
commencement d’exécution, elle n’a été suspendue ou n’a manqué son effet
qu’en raison de
circonstances indépendantes de la volonté de son auteur. »
La tentative se caractérise par la réunion de deux éléments :
- un commencement d’exécution : l’un des éléments constitutifs de
l’infraction doit faire
défaut, faute de quoi l’infraction est consommée. Ne constituent pas un
commencement
d’exécution, les actes seulement préparatoires (ex. : achat d’un
revolver, repérage des
lieux...). La seule résolution criminelle restée à un stade purement
psychologique n’est pas
non punissable. La Cour de cassation a décidé que « le commencement
d’exécution n’est
caractérisée que par des actes devant avoir pour conséquence immédiate
et directe de
consommer le crime, celui-ci étant ainsi entré dans la période
d’exécution » (Crim. 22 mai
1984, Bull. crim. n°187) ;
- un désistement involontaire : l’agent a été empêché d’atteindre le
résultat par une
circonstance indépendante de sa volonté (intervention de la police).
L’auteur doit avoir
voulu réaliser l’infraction. Au contraire, le désistement volontaire est
celui n’a été déterminé
par aucune cause extérieure à l’agent, mais par sa seule décision, quel
qu’en ait été le motif
(peur, pitié, remord). Dans ce cas, le début d’exécution (à condition
qu’il ne soit pas en soi
constitutif d’une autre infraction : coups et blessures volontaires, par
ex.) n’est pas
punissable.
L’infraction impossible, c’est-à-dire celle dont la réalisation est
impossible, est punie, en principe,
comme une tentative (ex. pénétrer dans un véhicule dans lequel il n’y a
rien à voler ; vouloir tuer
quelqu’un qui est déjà décédé). Il arrive aussi parfois que l’infraction
impossible ne soit pas
punissable. C’est le cas de l’empoisonnement qui se définit comme
l’emploi ou l’administration de
substances de nature à entraîner la mort. Si les substances ne sont pas
mortifères, l’infraction n’est pas
punissable en dépit de l’intention meurtrière de l’agent.
La tentative n’est pas toujours punissable. A cet égard, l’art. 121-4
Code pénal précise que la tentative
de crime est toujours punissable, que la tentative de délit n’est
punissable que si la loi le prévoit et que
la tentative de contravention n’est jamais punissable.
L’auteur d’une tentative encourt les mêmes peines que l’auteur de
l’infraction consommée. Sur le plan
de la politique criminelle, il est important de pouvoir appréhender les
individus avant que l’infraction
soit consommée.
De plus, il est normal qu’ils soient sanctionné dans la mesure où leur
intention coupable est pleine et
entière : ils n’ont été empêché d’atteindre le résultat que par une
circonstance indépendante de leur
16
volonté. Si, en revanche, le désistement est voulu par l’auteur, le
commencement d’exécution n’est
pas punissable.
Chapitre III : L’ELEMENT MORAL
L’acte matériel doit résulter de la volonté de son auteur. Le droit
pénal ne comporte que les
comportements antisociaux : même en présence d’un résultat fortement
dommageable, l’auteur ne sera
pas puni s’il n’est pas l’oeuvre de sa volonté mais le résultat, par
exemple, d’un événement de force
majeure.
Nous verrons les différents degrés de l’élément moral (Section I) puis
les hypothèses dans lesquelles la
loi prévoit des causes d’exonération totale ou partielle de
responsabilité (Section II) .
Section I : Les différents degrés de l’élément moral
Les infractions sont, soit intentionnelles (§1), soit
non-intentionnelles (§2).
§ 1 : Les infractions intentionnelles
Le principe est posé par l’art. 121-3 du Code pénal, « il n’y a pas de
crime ou de délit sans intention
de le commettre. ». Sont, plus précisément intentionnelles, tous les
crimes, de nombreux délits et
certaines contraventions.
L’intention ou le dol criminel constitue l’élément moral de ces
infractions.
Le caractère intentionnel de l’infraction signifie que son auteur a eu
conscience d’enfreindre la loi et a
agi sciemment en vue de la réalisation de l’acte incriminé. La nature de
cette intention se déduit de la
nature de l’infraction.
Peu importe, en principe, les mobiles qui animent l’auteur de
l’infraction (passion, compassion pour
une euthanasie, cupidité, jalousie…). Ils varient selon les individus et
les circonstances et ne sont pas,
en principe, de nature à faire varier la qualification de l’infraction.
Ainsi, par exemple, l’euthanasie
est, en l’état actuel des textes, un assassinat.
Parfois, cependant, le législateur prend en considération les mobiles de
l’auteur. L’infraction suppose
non seulement une intention, mais encore un certain mobile précisément
déterminé par la loi. On parle
alors de « dol spécial », c’est-à-dire à une volonté criminelle plus
précise, qui devient un élément de
l’intention délictueuse. Le dol spécial ou spécifique a pu être défini
comme « la volonté utilisée dans
le but de nuire à une valeur sociale déterminée ; le comportement de
l’agent est uen réaction
d’hostilité, et non de simple indifférence » (A.C. Dana). Ainsi, le Code
pénal exige parfois, en plus de
la volonté de donner la mort (meurte, assassinat), de s’approprier la
chose d’autrui (vol) ou la volonté
de porter atteinte à l’honneur ou la considération d’une personne
(diffamation). De même, par
exemple, les actes de terrorisme supposent, pour emporter cette
qualification, le « but de troubler
gravement l’ordre public, ou la terreur. » Enfin, l’art. 224-4 du
nouveau Code pénal punit de la peine
de réclusion criminelle de 30 ans, celui sui aura enlevé un otage en vue
de se faire payer une rançon ou
pour obtenir l’exécution d’un ordre ou d’une condition.
Parfois aussi, le mobile sera pris en compte et il n’y aura pas
d’infraction. C’est ainsi qu’il n’y a pas
d’infraction en cas de légitime défense car le mobile de l’agent n’est
pas antisocial.
§ 2 : Les infractions non-intentionnelles
17
Entrent dans cette catégorie, les infractions d’imprudence (I) et les
infractions contraventionnelles (II).
I. Les infractions d’imprudence
Les infractions d’imprudence sont des délits et certaines
contraventions. Une faute d’imprudence ou
de négligence ou encore un simple manquement à une obligation de
prudence ou de sécurité prévue
par les lois ou les règlements est requis par la loi mais la loi n’exige
pas que l’agent ait voulu le
résultat produit par son imprudence.
Parmi les délits d’imprudence, on peut citer par exemple l’homicide,
l’atteinte à l’intégrité physique
mesurée en incapacité de travail, la destruction d’un bien par incendie.
On peut également citer les
délits de mise en danger d’autrui (art. 222-19 et 222-20 et R.625-3 du
Code pénal).
Une loi du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition des délits
non-intentionnels a eu pour
objectif de réduire le domaine de la responsabilité pénale des personnes
physiques en matière
d’infraction d’imprudence ou de négligence que le législateur a estimé
être trop étendu et par là même
inéquitable (en particulier à l’égard des élus).
Pour le Garde des sceaux : « en cas de causalité indirecte, il faut donc
qu’existe une faute d’une
particulière intensité pour que la responsabilité pénale de l’auteur du
comportement originel puisse
être engagée ». Le législateur envisage deux hypothèses de causalité
indirecte :
- lorsque l’auteur indirect a crée ou contribué à créer la situation qui
a permis la réalisation du
dommage ;
- lorsque l’auteur médiat n’a pas pris les mesures nécessaires pour
permettre d’éviter le
dommage.
Dans ces hypothèses de causalité indirecte, l’agent ne sera punissable
que s’il est établi qu’il a commis
« une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une
particulière gravité qu’il ne pouvait
ignorer ». 3 éléments sont constitutifs de cette faute :
- une faute caractérisée, c’est-à-dire affirmée, d’une particulière
évidence, d’un certain degré
de gravité ;
- qui expose autrui à un danger d’une particulière gravité ;
- que l’agent ne pouvait pas ignorer : il ne suffira pas de constater
qu’elle aurait dû savoir.
Il résulte de cette réforme que, sauf s’il a délibérément violé un
règlement de sécurité, l’auteur indirect
d’un dommage ne pourra plus être jugé pénalement responsable s’il ne
savait pas que son
comportement –d’action ou d’omission- créait à l’encontre de tiers un
danger d’une particulière
importance. En revanche, dès qu’un décodeur public aura été alerté de
l’existence d’un risque –soit par
une autorité supérieure, soit par un usager- et qu’il sera resté
inactif, sa responsabilité pénale sera
susceptible d’être engagée si un accident vient à se produire.
II. Les infractions contraventionnelles
Les infractions contraventionnelles sont des infractions que la simple
violation de la prescription
légale ou réglementaire suffit à constituer. Elle résulte du seul fait
de la violation de la prescription
légale ou règlementaire.
Cela signifie qu’il est indifférent de savoir si l’agent a agi
intentionnellement, volontairement ou dans
l’ignorance du règlement. Néanmoins, comme pour toutes les infractions,
elles supposent une volonté
libre de l’auteur. Dès lors, le fait n’est plus punissable en cas de
démence, de force majeure ou d’état
de nécessité.
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Entrent dans cette catégorie, la plupart des contraventions et certains
délits, comme les délits de pêche,
de chasse ou les infractions en matière de douanes.
Section II : Les causes d’exonération totale ou partielle de
responsabilité
La matérialité de l’infraction établie, encore faut-il que les faits
puissent être imputés à l’agent pénal.
L’imputabilité suppose la capacité de comprendre et de vouloir. Or, il
existe des causes
d’irresponsabilité. Certaines sont subjectives (§1), d’autres sont
objectives (§2) et enfin certaines
tiennent à l’âge du délinquant (§3).
§ 1 : Les causes subjectives d’irresponsabilité
La non-imputabilité de l’infraction peut résulter d’un trouble psychique
ou neuropsychique (I), de la
contrainte à laquelle il n’a pu résister (II) ou d’une erreur (III).
I. Le trouble psychique ou neuropsychique
La loi prévoit que « n’est pas pénalement responsable la personne qui
était atteinte, au moment des
faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son
discernement ou le contrôle de ses
actes » (art. 122-1 al. 1er du Code pénal.) Le nouveau Code pénal n’a
pas repris l’expression
« démence », jugée trop imprécise. La loi impose l’existence du trouble
au moment de la commission
de l’infraction. Ce trouble doit avoir fait perdre à l’agent tout
discernement, tout contrôle de ses actes.
La jurisprudence décide que l’ivresse, malgré l’altération de volonté
qu’elle entraîne, laisse subsister la
responsabilité pénale pour les infractions commises sous son emprise, y
compris intentionnelles. Pour
expliquer cette solution, on a recours à l’idée de dol éventuel : en
s’enivrant, la personne a dû prévoir
que son ivresse pourrait avoir des conséquences graves sur son
comportement et donc doit répondre
des conséquences juridiques qu’elle a entraîné.
Si la personne était atteinte d’un trouble ayant simplement altéré son
discernement ou entravé le
contrôle de ses actes, elle demeure responsable. Toutefois, précise
l’art. 122-1 al. 2 du Code pénal, la
juridiction tient compte de cette circonstance lorsqu’elle détermine la
peine et en fixe le régime.
II. La contrainte
L’art. 122-2 Code pénal dispose : « N’est pas pénalement responsable la
personne qui a agi sous
l’empire d’une force ou d’une contrainte à laquelle elle n’a pu
résister. ». La contrainte doit être
irrésistible. Elle ne doit pas avoir une cause fautive : celui qui
commet des infractions au Code de la
route parce qu’il est sous l’empire d’un état alcoolique ne peut
invoquer la contrainte.
La contrainte peut être :
- physique : l’auteur est privé de toute capacité de résister
physiquement ;
- externe, tel le fait de la Nature (verglas, tempête) ou le fait d’un
tiers ;
- interne, telles la fatigue ou la maladie.
La contrainte peut aussi être morale : l’auteur a perdu toute liberté de
décision parce qu’il était
menacé par un tiers ou parce qu’il a agi sous l’emprise d’un état
maladif ou passionnel. La
jurisprudence fait cependant preuve de sévérité dans l’appréciation de
la contrainte.
III. L’erreur
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Bien que « Nul n’est censé ignorer la loi », le nouveau Code pénal
permet à l’agent d’invoquer son
ignorance de la loi, notamment dans l’hypothèse d’un renseignement
erroné donné par l’autorité
administrative.
En effet, l’art. 122-3 Code pénal dispose : « N’est pas pénalement
responsable la personne qui justifie
avoir cru, par une erreur sur le droit qu’elle n’était pas en mesure
d’éviter, pouvoir légitimement
accomplir l’acte. »
Ainsi, dans un arrêt du 24 nov. 1998, la Chambre criminelle a considéré
que l’erreur de droit pouvait
résulter d’une information erronée fournie par l’Administration (J.C.P.
1999-II-10208).
§1 : Les causes objectives d’irresponsabilité
Les faits justificatifs sont des circonstances extérieures à l’agent qui
font disparaître l’élément moral
de l’acte accompli. Il en existe 4 : l’autorisation de la loi et le
commandement de l’autorité légitime
(I), la légitime défense (II), l’état de nécessité (III) et dans une
certaine mesure seulement, le
consentement de la victime (IV).
I. - L’autorisation de la loi et le commandement de l’autorité légitime
L’acte accompli peut être autorisé par la loi ou les règlements. L’art.
122-4 al. 1er Code pénal dispose :
« N’est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte
prescrit ou autorisé par les
dispositions législatives ou réglementaires. »
Ainsi, celui qui viole le secret professionnel dans les cas où la loi
l’impose ou l’autorise n’est pas
coupable (art. 226-14 al. 1er C. pén.)
L’acte accompli peut résulter de l’exécution d’un ordre. L’ordre doit
émaner d’une autorité légitime,
c’est-à-dire une autorité publique, civile ou militaire, légalement
instituée au regard des textes en
vigueur. Cependant, celui qui reçoit l’ordre ne doit pas demeurer
complètement passif : il ne doit pas
exécuter un ordre manifestement illégal.
En effet, l’art. 122-4 al. 2 Code pénal précise « N’est pas pénalement
responsable la personne qui
accomplit un acte commandé par l’autorité légitime, sauf si cet acte est
manifestement illégal ».
Reste à déterminer ce qu’est un ordre manifestement illégal. Il pourra
s’agir de porter atteinte à la vie
d’une personne ou à son intégrité corporelle ou de la soumettre à la
torture.
II. - La légitime défense
Lorsqu’il y a légitime défense, la personne n’est pas pénalement
responsable. Sa responsabilité civile
ne peut pas non plus être recherchée.
La légitime consiste à commettre une infraction pour se défendre. La loi
présume parfois la légitime
défense. En effet, l’art. 122-6 Code pénal dispose : « Est présumé avoir
agi en état de légitime défense,
celui qui accomplit l’acte : 1° pour repousser de nuit, l’entrée par
effraction, violence ou ruse dans un
lieu habité ; 2° pour se défendre contre les auteurs de vols ou de
pillage exécutés avec violence ».
La présomption n’est pas absolue, elle peut être combattue par la preuve
contraire. La jurisprudence
l’a précisé par un arrêt du 19 fév. 1959 : « La présomption légale de
l’art. 329 (ancien Code pénal),
loin de présenter un caractère absolu et irréfragable, est susceptible
de céder devant la preuve
contraire » (D. 1959-161).
20
La loi a fait une distinction entre la défense des personnes et celle
des biens.
A. La défense des personnes
S’agissant de la défense des personnes, l’art. 122-5 al. 1er Code pénal
indique : « N’est pas
responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers
elle-même ou autrui, accomplit,
dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime
défense d’elle-même ou
d’autrui, sauf s’il y a disproportion entre les moyens de défense
employés et la gravité de l’atteinte. »
3 conditions doivent donc être réunies pour invoquer la légitime défense
:
- l’attaque doit être injuste. Ainsi, celui attaquerait un policier
procédant à son
arrestation ne peut invoquer la légitime défense même si le policier a
agi de manière
illégale ;
- l’attaque doit être actuelle ou imminente. L’urgence commande une acte
immédiate,
« dans le même temps ». Si l’attaque est passée, il n’y a plus légitime
défense mais
vengeance. Si l’attaque est futur, la défense n’est pas nécessaire ;
- la défense doit être proportionnée à la gravité de l’attaque.
B. La défense des biens
S’agissant de la défense des biens, l’art. 122-5 al. 2 dispose : « N’est
pas pénalement responsable la
personne qui, pour interrompre l’exécution d’un crime ou d’un délit
contre un bien, accomplit un acte
de défense, autre qu’un homicide volontaire, lorsque cet acte est
strictement nécessaire au but
poursuivi dès lors que les moyens employés sont proportionnés à la
gravité de l’infraction. »
3 conditions doivent donc être réunies pour invoquer la légitime défense
:
- l’attaque doit consister en un crime ou un délit contre un bien (et
non une simple
contravention) ;
- la défense doit être nécessaire et immédiate pour interrompre
l’attaque ;
- la défense doit être proportionnée aux infractions contre les biens.
Aucune atteinte à
un bien, aussi grave soit-elle, ne saurait justifier un homicide.
III. L’état de nécessité
L’art. 122-7 Code pénal dispose : « N’est pas pénalement responsable la
personne qui, face à un
danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien,
accomplit un acte nécessaire à la
sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s’il y a disproportion entre
les moyens employés et la
gravité de la menace. »
L’agent est confronté à un danger actuel et imminent et deux
alternatives s’offrent à lui : soit subir le
dommage, soit commettre l’infraction ». Entre deux maux, la loi permet
de choisir le moindre. (ex. : se
déporter sur la gauche pour éviter la collision avec des cyclistes,
saccager une habitation pour
permettre d’éteindre l’incendie qui menace de se propager, etc…)
4 conditions doivent être réunies pour pouvoir invoquer l’état de
nécessité :
- l’infraction doit être le seul moyen d’éviter le dommage ;
21
- l’infraction doit être proportionnée au danger encouru ;
- l’intérêt à sauvegarder doit être supérieur à l’intérêt sacrifié ;
- la situation de l’état de nécessité ne doit pas résulter d’une faute.
IV. Le consentement de la victime
Le consentement de la victime n’a pas été prévu par la loi. Cependant,
certaines infractions supposent,
pour être constituées, de prendre en compte l’existence ou non du
consentement de la victime.
Ainsi, l’infraction n’est pas constituée, si la victime est consentante,
notamment dans les hypothèses
suivantes :
- si une personne donne volontairement un bien à une autre, il n’y a pas
vol ou abus de
confiance ;
- si une personne accepte des relations sexuelles avec une autre, il n’y
a pas viol ;
- si un patient accepte une intervention chirurgicale nécessaire, il n’y
a pas d’atteinte à
son intégrité physique ;
- si une personne accepte de participer, en connaissance de cause, à un
sport violent, il
n’y a pas de coups volontaires si les règles du jeu sont respectées.
Dans ces hypothèses, le consentement de la victime doit être antérieur
ou concomitant à l’infraction et
donné en toute liberté et en connaissance de cause.
Cependant, la loi refuse de prendre en compte le consentement de la
victime dans le cas de
l’euthanasie ou du duel qui sont qualifié d’assassinats.
L’idée est que la loi pénale est d’ordre public et une personne privée
ne peut pas renoncer à son
application.
Section III : LES CAUSES D’IRRESPONSABILITE TENANT A L4AGE
La vieillesse n’est pas une cause d’irresponsabilité pénale, à moins
qu’elle n’ait provoqué une
démence sénile.
Le droit pénal considère comme majeur, dont comme pleinement
responsable, toute personne âgée de
plus de 18 ans au moment des faits. Aucune disposition particulière ne
vise les jeunes adultes, en
particulier ceux de 18 à 21 ans.
Le mineur de moins de 13 ans ne peut être condamné à aucune sanction
pénale. Il bénéficie d’une
présomption d’irresponsabilité absolue. Même en cas de contravention, il
ne peut faire l’objet que
d’une admonestation (réprimande) de la part du tribunal de police.
Néanmoins, s’il a agi avec un
discernement suffisant, le juge peut lui imposer des mesures de
protection, d’assistance, de
surveillance et d’éducation dans les conditions prévues par l’ordonnance
du 2 fév. 1945 (art. 122-8 al.
1er C. pén.).
Le mineur de 13 à 16 ans n’est, en principe, soumis qu’à des mesures
éducatives. Néanmoins,
exceptionnellement, il peut se voir infliger une condamnation pénale.
Cependant la peine encourue est
22
nécessairement réduite de moitié car le mineur bénéficie d’une excuse
atténuante de minorité. Si la
peine encourue est perpétuelle, elle est remplacée par un emprisonnement
de 20 ans.
Le mineur de 16 à 18 ans bénéficient aussi des mesures de protection
prévues pour les mineurs de
moins de 16 ans. Cependant, le bénéfice de l’excuse de minorité peut lui
être refusée par une décision
spécialement motivée. Il sera alors condamné comme un majeur.
Deuxième partie : L’AGENT PENAL
Depuis l’entrée en vigueur en 1994 du nouveau Code pénal, deux
catégories d’agent pénal peuvent
être aujourd’hui poursuivies : les personnes physiques (chapitre
premier) mais aussi les personnes
morales (chapitre 2).
Chapitre premier : LA PERSONNE PHYSIQUE
La personne physique peut être l’auteur matériel de l’infraction(section
1), le coauteur (section 2), ou
le complice (section III).
Section I :: L’auteur
L’article 121-4 Code pénal dispose : « Est auteur de l’infraction la
personne qui commet les faits
incriminés ». L’auteur est donc celui qui a matériellement accompli les
faits incriminés.
Comme le dit l’art. 121-1 Code pénal: « Nul n’est responsable que de son
propre fait ». La
responsabilité pénale collective n’est pas concevable.
Section II : Le coauteur
Le coauteur est d’abord un auteur et est puni en tant que tel.
Mais la pluralité d’auteurs est parfois un élément constitutif de
l’infraction. Certaines infractions
supposent en effet un groupement : par ex. les groupements en vue de
préparer des crimes contre
l’humanité (art. 212-3 C. pén.), les attentats contre les institutions
ou l’intégrité nationale (art. 412-2
C. pén.).
Elle est parfois purement fortuite : plusieurs personnes commettent
ensemble une infraction qui aurait
pu l’être seul. Chacun est auteur s’il remplit, par son activité
personnelle, les conditions de
l’infraction.
Parfois, la jurisprudence traite certains complices comme des auteurs à
part entière. Ainsi, pour retenir
la circonstance aggravante de réunion (vol commis à deux ou plusieurs
selon l’ancien Code pénal), la
Chambre criminelle considère que celui qui fait le guet est un coauteur.
De même, pour retenir la
qualification de parricide, la jurisprudence a retenu la qualification
de coauteur à l’égard de celui qui
n’était en réalité que complice.
Le coauteur est un auteur à part entière. Sa responsabilité pénale est
personnelle et ne dépend pas de
celles des autres coauteurs. Il peut être poursuivi seul.
Section III : Le complice
23
Pour être complice, il faut la réunion de trois éléments :
- Un fait principal punissable : ainsi la complicité de suicide n’est
pas punissable car le
suicide n’est pas une infraction. C’est la raison pour laquelle le
législateur a parfois créé de
nouvelles infractions (ex. : délit de provocation au suicide, art. 223-4
C. pén.) Il n’est pas,
en revanche, nécessaire que l’auteur du fait punissable ait été
effectivement puni. Il suffit
que le fait commis soit punissable.
- Un acte matériel de complicité : l’art. 121-7 Code pénalprévoit deux
catégories d’actes de
complicité : l’aide ou l’assistance et l’instigation. En effet, celui
qui, par don, promesse,
menace, abus d’autorité ou de pouvoir aura provoqué une infraction ou
donné des
instructions pour la commettre est complice de cette infraction.
L’investigateur est traité
comme un complice et non comme l’auteur de l’infraction. Encore faut-il
que la
provocation ait été directe et suivie d’effet, faute de quoi, elle ne
sera pas punissable.
- Une intention de complicité : le complice doit agir en connaissance de
cause, c’est-à-dire en
connaissance de l’accomplissement par l’auteur du fait principal
punissable.
Le complice est assimilé par le Code pénal à l’auteur principal du point
de vue de la répression.
L’article 121-6 Code pénal dispose : « Sera puni comme auteur le
complice de l’infraction ». Les
peines encourues par l’auteur et le complice sont donc les mêmes. La
complicité de crime et de délit
est toujours punissable.
Il est pourtant parfois nécessaire de distinguer le complice de
l’auteur. Ainsi, s’agissant des
contraventions, seule la complicité par instigation est punissable et
non la complicité par assistance.
De plus, la condamnation de la complicité suppose la constatation d’une
infraction principale
punissable (il n’y a pas de complicité de suicide). C’est la raison pour
laquelle, devant la Cour
d’assises, la question de la culpabilité est posée différemement.
Chapitre II : LA PERSONNE MORALE
Lorsqu’une personne physique commet une infraction dans l’exercice de
ses fonctions de
représentation d’une personne morale, elle peut être poursuivie
personnellement. Le problème s’est
posé de la responsabilité pénale des personnes morales à côté de celle
des personnes physiques.
Pendant longtemps a été retenu le principe de l’irresponsabilité des
personnes morales. Responsables
civilement, les personnes morales ne pouvaient pas l’être pénalement aux
motifs principaux que la
peine ne peut pas remplir ses fonctions et que la personne morale est
dépourvue de volonté propre,
l’infraction supposant toujours l’intervention d’une personne physique.
Le nouveau Code pénal entré en vigueur le 1er mars 1994 admet la
responsabilité pénale des personnes
morales. Cependant cette responsabilité n’est pas tout à fait mise en
jeu dans les conditions applicables
aux personnes physiques. En effet, l’art. 121-2 Code pénal précise que «
les personnes morales sont
responsables pénalement, selon les distinctions des art. 121-4 à 121-7
et dans les cas prévus par la loi
et les règlements, des infractions commises pour leur compte, par leurs
organes ou représentants. »
Seules certaines infractions peuvent donc être commises par une personne
morale (section I) dont la
loi détermine le régime de responsabilité (section II).
Section I : Les infractions visées
24
La loi a posé un principe de spécialité. Cela signifie que les personnes
morales ne peuvent être
poursuivies pénalement que si un texte l’a expressément prévu.
Néanmoins, il ressort de l’étude du
Code pénal que de nombreux textes prévoient la responsabilité des
personnes morales.
Sont ainsi susceptibles d’être commises par une personne morale,
notamment les infractions
suivantes : les crimes contre l’humanité, l’homicide, les violences
involontaires, les atteintes à
l’intégrité physique, vol, escroquerie, abus de confiance, recel,
destruction, actes de terrorisme,
corruption active, fausse monnaie, provocation à la discrimination
raciale, etc…
Une loi d’adaptation du 16 déc. 1992 a modifié certains textes
extérieurs au Code pénal dans le but
d’admettre la responsabilité des personnes morales. Tel est le cas des
infractions de concurrence, la
banqueroute, la contrefaçon, les infractions en matière de recherche
biomédicale, les infractions en
matière de pollution, etc… Il ne reste que les droits des sociétés
commerciales, de la consommation,
de la presse ou de la communication audiovisuelle qui restent
étrangement épargnés par la
responsabilité des personnes morales. Sur le plan pratique, les mises en
cause des personnes morales
interviennent le plus souvent en matière d’accident du travail, de
travail clandestin, de marchandage et
de contrefaçon.
Section II : Le régime de responsabilité applicable
S’agissant des personnes morales dont la responsabilité pénale peut être
engagée, la loi fait une
distinction entre les personnes de droit public et les personnes de
droit privé.
- Parmi les personnes de droit public, la loi exclut l’Etat. Les
collectivités territoriales
(régions, départements, communes) ne peuvent être poursuivies pénalement
que pour les
infractions commises dans l’exercice d’activités susceptibles de faire
l’objet de conventions
de délégation de service public
- Quant aux personnes de droit privé, elles sont susceptibles d’être
pénalement poursuivies si
leur siège social est situé en France. Entrent notamment dans le champ
d’application de la
loi : les associations, les sociétés civiles ou commerciales, les
groupements d’intérêt
économique, etc…
La responsabilité pénale de la personne suppose la réunion de deux
conditions :
- L’infraction doit être commise pour le compte de la personne morale.
Cela signifie que les
infractions accomplis pour le compte du dirigeant ou d’une autre
personne n’engage pas la
responsabilité de la personne morale ;
- L’infraction doit être commise par les organes ou par les
représentants de la personne
morale. Ne sont pas inclus les salariés ou les préposés. La
responsabilité pénale de la
personne morale ne semble pas pouvoir être engagée par l’action d’un
simple dirigeant de
fait.
Concernant la poursuite de la personne morale, elle est « prise en la
personne de son représentant
légal à l’époque des poursuites ».
La responsabilité pénale de la personne morale ne fait pas obstacle à la
mise en cause de la
responsabilité de personnes physiques. Comme l’enseigne l’art. 121-2 al.
3 C. pén., « la responsabilité
pénale des personnes morales n’exclut pas celle des personnes physiques,
auteurs ou complices des
mêmes faits ».
25
Troisième partie : LA SANCTION PENALE
Nous verrons le prononcé de la sanction (chapitre premier) puis
l’exécution de la sanction (chapitre
II).
Chapitre premier : LE PRONONCE DE LA SANCTION PENALE
La sanction pénale a plusieurs fonctions. On peut en distinguer
principalement 3 :
- la prévention : les peines doivent être de nature à dissuader le
passage à l’acte ;
- la répression : les peines ont pour fonction de punir la faute commise
;
- la réinsertion : les peines doivent aussi avoir pour fonction de
réadapter l’agent à la vie sociale.
Nous envisagerons les différentes peines existantes (Section 1) avant
d’étudier les règles concernant la
détermination du quantum de la peine (Section 2).
Section I : Les différentes sanctions pénale s
Depuis le nouveau Code pénal entré en vigueur le 1er mars 1994, il faut
distinguer les peines encourues
par les personnes physiques (§1) de celles encourues par les personnes
morales (§2).
§ 1 : Les peines encourues par les personnes physiques
La gravité des peines dépend de la gravité de l’infraction. Par ordre de
gravité décroissante, on
envisagera les peines criminelles (I), les peines correctionnelles (II)
et les peines contraventionnelles
(III).
I. Les peines criminelles
Les peines criminelles sont la réclusion criminelle pour les infractions
de droit commun, la détention
criminelle pour les infractions politiques. (art. 131-1 C. pén.)
Les maximums prévus pour les crimes varient en fonction de leur gravité.
La peine de mort a été
abolie par une loi du 9 oct. 1981. Le Code pénal prévoit 4 échelles
différentes de la réclusion ou
détention :
- à perpétuité
- 30 ans au plus
- 20 ans au plus
- 15 ans au plus
En tout état de cause, la durée de la réclusion est de 10 ans au moins
(en cas de peine inférieure, il
s’agit d’une peine d’emprisonnement).
A cette peine, peut s’ajouter, si le texte incriminateur le prévoit, une
peine d’amende ainsi qu’une ou
plusieurs peines complémentaires (la plupart privatives ou restrictives
de droits : interdiction du
territoire français, perte des droits civiques, civils et de famille
jusqu’à 10 ans, interdiction de séjour
jusqu’à 10 ans.) Si le texte le prévoit, la réclusion criminelle à
perpétuité ou à temps peut comporter
une période de sûreté.
II. Les peines correctionnelles
26
Les peines correctionnelles sont communes aux délits de droit commun et
aux délits politiques.
L’art. 131-3 Code pénal prévoit que les peines correctionnelles
encourues sont :
- l’emprisonnement ;
- l’amende ;
- le jour-amende (le tribunal peut prononcer au maximum 360 jours-amende
à
2.000 F. chacun) ;
- le travail d’intérêt général (l’exécution d’heures de travail
gratuites au profit
d’une collectivité) A l’audience, le prévenu peut refuser cette peine et
préférer une autre
sanction : amende, emprisonnement ;
- les peines privatives ou restrictives de droit de l’art. 131-6 ;
- les peines complémentaires prévues à l’art. 131-10.
L’art. 131-4 Code pénal indique que l’échelle des peines
d’emprisonnement est la suivante :
- 10 ans au plus ;
- 7 ans au plus ;
- 5 ans au plus ;
- 3 ans au plus ;
- 2 ans au plus ;
- 1 an au plus ;
- 6 mois au plus.
Le minimum de l’amende correctionnelle encourue est fixé à 25.000 F
(art. 381 C. proc. pén.).
Il n’y a pas de maximum général des peines d’amende correctionnelle mais
il y a toujours un
maximum prévu dans le texte incriminateur.
Les délits punis de 10 d’emprisonnement entraînent, en principe, une
amende de 1.000.000 F.
Néanmoins, l’escroquerie est punie de 5 ans d’emprisonnement et
2.500.000 F. d’amende (art. 313-1
C. pén.) ; l’abus de confiance est puni de 3 ans d’emprisonnement et
2.500.000 F. d’amende (art. 314-
1C. pén.). L’amende peut même atteindre 50.000.000 F. en matière de
trafic de stupéfiants.
III. Les peines contraventionnelles
Les peines contraventionnelles sont :
- l’amende suivant l’échelle donnée par l’art. 131-13 Code pénal:
- 250 F. au plus pour les contraventions de 1re classe ;
- 1.000 F. au plus pour les contraventions de 2E classe ;
- 3.000 F. au plus pour les contraventions de 3E classe ;
- 5.000 F. au plus pour les contraventions de 4E classe ;
- 10.000 F. au plus pour les contraventions de 5E classe, montant qui
peut être porté à 20.000 F. en cas de récidive lorsque le règlement le
prévoit.
- Pour les contraventions de la 5e classe, une ou plusieurs peines
privatives ou restrictives
de droits prévues à l’art. 131-14 Code pénal peuvent être prononcées à
la place de la
peine d’amende, à savoir la suspension pour une durée d’un an au plus du
permis de
conduire, l’immobilisation pour une durée de 6 mois au plus d’un ou
plusieurs véhicules
appartenant au condamné, la confiscation d’une ou plusieurs armes
appartenant au
condamné ou dont il a la libre disposition, le retrait du permis de
chasser avec interdiction
de solliciter la délivrance d’un nouveau permis pendant un an au plus,
l’interdiction pour
une durée d’un an au plus d’émettre des chèques autres que ceux qui sont
certifiés et
d’utiliser des cartes de paiement, la confiscation de la chose qui a
servi ou qui était
27
destinée à commettre l’infraction ou de la chose qui en est le produit
(sauf en matière de
presse).
A ces peines, peuvent s’ajouter des peines complémentaires si elles sont
prévues par le texte qui
réprime la contravention. (art. 131-17 C. pén.)
§ 2 : Les peines encourues par les personnes morales
Ces peines sont de deux catégories : les peines criminelles et
correctionnelles (I) et les peines
contraventionnelles (II).
I. Les peines criminelles et correctionnelles
L’art. 131-37 prévoit que les peines criminelles ou correctionnelles
encourues par les personnes
morales sont :
-l’amende dont le taux maximum est multiplié par 5 par rapport au
maximum prévu pour
une personne physique ;
- dans les cas prévus par la loi, les peines restrictives ou privatives
de droit prévues par
l’art. 131-39 Code pénal. Parmi celles-ci, figurent :
- la dissolution de la personne morale ;
- l’interdiction d’exercer une ou plusieurs activités professionnelles
ou sociales ;
- le placement sous surveillance judiciaire ;
- la fermeture d’un ou plusieurs établissements ;
- l’exclusion de marchés publics ;
- l’interdiction de faire appel public à l’épargne.
- l’affichage de la décision ou sa diffusion dans la presse écrite ou
par tout autre
moyen de communication audiovisuelle.
II. Les peines contraventionnelles
L’art. 131-40 Code pénal prévoit que les peines contraventionnelles
encourues par les personnes
morales sont :
- l’amende dont le taux maximum est multiplié par 5 par rapport au
maximum prévu pour
une personne physique ;
- dans les cas prévus par la loi, les peines restrictives ou privatives
de droit mentionnées par
l’art. 131-42 Code pénal. Il s’agit d’une alternative à l’amende pour
les contraventions de
5e classe :
- l’interdiction, pour une durée d’un an au plus, d’émettre des chèques
autres
que ceux qui permettent le retrait des fonds par le tireur ou le tiré ou
ceux qui sont
certifiés ou d’utiliser des cartes de paiement ;
- la confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre
l’infraction ou de la chose qui en est le produit.
A ces peines, il faut ajouter les peines complémentaires que le
règlement incriminateur peut prévoir
(art. 131-43 C. pén.).
Section II : Le quantum de la peine
28
Le quantum de la peine est susceptible de varier si le délinquant a
commis plusieurs infractions (§1)
ou s’il a un passé pénal (§2).
§ 1 : La pluralité d’infraction
Il y a concours d’infractions lorsqu’une infraction est commise par une
personne avant que celle-ci ait
été définitivement condamnée pour une autre infraction :
- si les infractions font l’objet d’une poursuite unique : une seule
peine sera prononcée
dans la limite du maximum légal le plus élevé si les peines encourues
sont de même
nature (art. 132-3 C. pén.). Si les peines encourues sont de nature
différente, chacune des
peines peut être prononcée ;
- si les infractions font l’objet de poursuites séparées : les peines
prononcées se
cumulent mais ce cumul est plafonné à hauteur du maximum le plus élevé
et le juge peut
ordonner leur confusion totale ou partielle. (art. 132-4 C. pén.)
Par dérogation à cette règle, les peines d’amende pour contraventions se
cumulent entre elles. Le juge
peut donc prononcer autant d’amende qu’il y a de contraventions, qui
peuvent elle-même se cumuler
avec les peines d’un crime ou d’un délit. (art. 132-7 C. pén.).
§ 2 : Le passé pénal du délinquant
Le calcul de la peine prononcée par le juge, qui ne peut dépasser le
maximum prévu par le texte,
dépendra beaucoup du passé pénal du délinquant.
Le quantum de la peine encourue pourra être plus élevé en cas de
récidive. Il s’agit de l’état dans
lequel se trouve une personne qui, après avoir été condamnée pour une
première infraction, en commet
une nouvelle. Dans les conditions définies par la loi, la récidive a
pour effet de porter au double, voire
à la perpétuité, le maximum des peines encourues (réclusion,
emprisonnement, amende). (art. 132-8 à
123-16-1 C. pén.).
Chapitre 2 : L’EXECUTION DE LA SANCTION PENALE
Le juge prononce la peine de son choix mais seulement dans le cadre de
la peine encourue. Il peut
prononcer la totalité des peines encourues ou prononcer une seule peine.
Il ne peut pas dépasser le
maximum prévu par le texte mais il peut l’abaisser jusqu’au minimum
d’existence de la peine. Cette
faculté est discrétionnaire : le juge n’a pas à motiver sa décision.
Le juge peut même décider d’accorder une dispense de peine ou d’ajourner
son prononcé en matière
correctionnelle ou contraventionnelle (art. 132-58 C. pén.) malgré la
déclaration de culpabilité de la
personne. Trois conditions pour la dispense de peine doivent être
réunies : le reclassement du coupable
doit être acquis, le dommage réparé et le trouble résultant de
l’infraction doit avoir cessé. Pour
l’ajournement, ces trois conditions doivent être en voie d’être réunies.
La décision d’accorder une
dispense ou un ajournement de la peine relève du pouvoir discrétionnaire
du juge.
Le juge peut aussi assortir l’exécution de la décision d’un sursis
(Section 1) ou prévoir que l’exécution
de la peine s’effectuera selon certaines modalités (Section 2).
Section I : Le sursis à l’exécution de la peine
29
Le juge peut décider qu’il sera sursis à l’exécution de la peine. Il le
fera en fonction de l’infraction
commise et selon le passé pénal du délinquant. Le juge doit avertir
l’intéressé des effets de la mesure
dont il bénéficie. Le sursis, sauf révocation avant terme, rendra la
condamnation non avenue (art. 132-
29 C. pén.). Trois sortes de sursis existent : le sursis simple (§1) et
le sursis avec mise à l’épreuve (§2)
et le sursis assorti de l’obligation d’accomplir un travail d’intérêt
général (§3).
§ 1 : Le sursis simple
Le sursis peut s’appliquer totalement ou partiellement à la peine
prononcée. (art. 131-31 et 131-39 C.
pén.)
Deux conditions doivent être réunies pour prononcer le sursis :
- concernant le passé pénal du délinquant : il ne doit pas avoir été
condamné au cours des 5
ans précédant les faits à une peine d’emprisonnement ou de réclusion
pour crime ou délit de
droit commun (art. 132-30 et 132-33 C. pén.) ;
- concernant la peine à assortir du sursis : l’emprisonnement jusqu’à 5
ans, la peine
d’amende, la peine de jour-amende, certaines peines restrictives ou
privatives de droit de
l’art. 131-6 et certaines peines complémentaires. Les peines de
réclusion criminelle ne
peuvent être assorties du sursis. Peu importe en revanche l’infraction
commise. Le sursis
peut assortir une peine d’emprisonnement prononcée pour un crime.
Si le condamné ne commet pas d’autres infractions dans le délai de 5 ans
(2 ans pour les
contraventions), il n’exécutera jamais sa peine.
Si le condamné récidive, le sursis sera révoqué et s’ajoutera à la
deuxième peine. Par décision spéciale
et motivée, le tribunal pourra dispenser l’auteur de la révocation
totale ou partielle du ou des sursis
antérieurs. Une peine d’emprisonnement avec sursis ne peut être révoquée
que par une peine
d’emprisonnement ferme.
§ 2 : Le sursis avec mise à l’épreuve (ou sursis probation)
Concernant les conditions du sursis avec mise à l’épreuve :
- il peut être prononcé quel que soit le passé pénal du condamné.
- il ne peut être assorti qu’à une peine d’emprisonnement de 5 ans
maximum.
Le condamné à un sursis avec mise à l’épreuve doit se soumettre à
diverses obligations comme celle
de travailler, de suivre une formation professionnelle, de rembourser la
victime. (art. 132-45 C. pén.)
Les obligations peuvent faire l’objet d’une modification pendant la
période de probation.
Il peut faire l’objet de mesures de surveillance et doit répondre aux
convocations, recevoir les visites
des délégués à la probation et justifier de ses revenus. Le suivi du
sursitaire est assuré par le Comité de
probation et d’assistance aux libérés (CPAL). Ce comité apporte
également une aide matérielle et
morale au condamné. Le CPAL agit sous le contrôle du juge de
l’application des peines (J.A.P.).
Le délai de mise à l’épreuve est fixé par le tribunal entre 18 mois et 3
ans. (art. 132-42 C. pén.)
Si le condamné se soumet aux obligations du sursis et ne récidive pas,
sa peine sera considérée comme
non avenue même s’il y a eu un emprisonnement partiel. Le tribunal peut
admettre une cessation
anticipée de la mise à l’épreuve. (art. 743 C. proc. pén.)
Si le condamné récidive, le sursis sera révoqué partiellement ou
totalement, ou le délai d’épreuve
prolongé.
30
§ 3 : Le sursis assorti de l’obligation d’accomplir un travail d’intérêt
général
La juridiction peut, dans les conditions et selon les modalités prévues
pour le sursis avec mise à
l’épreuve, prévoir que le condamné accomplira, pour une durée de 40 à
240 heures, un travail d’intérêt
général au profit d’une personne morale de droit public ou d’une
association habilitée à mettre en
oeuvre des travaux d’intérêt général (art. 132-54 C. pén.). Un examen
médicalement devra être subi
pour vérifier que le condamné n’est pas atteint d’une affection
dangereuse pour les autres travailleurs
et s’assurer qu’il est médicalement apte au travail auquel il est
envisagé de l’affecter (art. 132-5 2° C.
pén.)
Le prononcé de ce type de sursis suppose, sinon l’accord du condamné, du
moins sa non-opposition.
Ce sursis assorti de l’obligation d’accomplir un travail d’intérêt
général ne peut être prononcé que si le
condamné est présent.
Le condamné doit également satisfaire aux mesures de contrôle qui sont
ordonnées. (art. 132-5 1°, 3°,
4° et 5° C. pén.)
Section II : Les modes d’exécution de la peine
Lors du prononcé, le juge peut aménager ses modes d’exécution (§1). Une
fois prononcée, la peine
peut, à nouveau connaître des aménagements destinés à préparer la
réinsertion sociale du condamné
(§2).
§ 1 : L’aménagement de la peine lors de son prononcé
Le juge peut personnaliser les peines. Il peut ainsi décider :
- que la peine d’emprisonnement prononcée sera exécutée sous le régime
de la semi-liberté, à
condition que la peine ne soit pas supérieure à 1 an et que le condamné
puisse justifier d’une
activité professionnelle ou de son assiduité à un enseignement ou une
formation professionnelle,
de sa participation essentielle à la vie de sa vie de famille ou de la
nécessité de subir un
traitement médical (art. 132-25 C. pén.) ;
- que les peines d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à un
an, d’amende, de joursamende
ou de suspension de permis de conduire seront, pour des motifs grave
d’ordre médical,
professionnel ou social- exécutées par fraction (art. 132-27 et 132-28
C. pén.) La juridiction
peut étaler sur une durée de 3 ans l’exécution de la peine pour que
celle-ci se morcelle.
Le juge peut aussi décider d’assortir toute peine privative de liberté
d’une durée supérieure à 5 ans non
assortie du sursis, quelle que soit l’infraction commise, d’une peine de
sûreté (période pendant laquelle
le condamné ne peut bénéficier des mesures du régime ouvert) dans la
limite des deux tiers de la peine
prononcée ou 22 ans en cas de condamnation à la réclusion criminelle à
perpétuité (art. 132-23 C.
pén.)
§ 2 : L’aménagement de la peine en vue la réinsertion sociale du
condamné
La matière a fait l’objet d’une récente réforme par la loi du 15 juin
2000 renforçant la protection de la
présomption d’innocence et les droits de la victime.
31
S’agissant de l’aménagement de la peine, les changements les plus
importants tiennent à la
« juridictionnalisation » de l’application des peines dont la plupart
sont applicables depuis le 1er
janvier 2001.
Il faut faire dorénavant une distinction entre les mesures
juridictionnalisées et les autres.
1) Les mesures non juridictionnalisées
Ne sont pas juridictionnalisées, les mesures d’administration judiciaire
qui concernent les réductions
de peines, les autorisations de sortie sous escorte et les permissions
de sortir.
Elle relève de la compétence du juge de l’application des peines (JAP)
détermine les modalités de
traitement pénitentiaire de chaque condamné à une peine privative de
liberté. Ce magistrat est assisté
d’un comité de probation et d’assistance aux libérés (CPAL).
2) Les mesures juridictionnalisées
Sont juridictionnalisées, les mesures de placement à l’extérieur, de
semi-liberté, de fractionnement et
de suspension des peines et les libération conditionnelle.
Ces mesures de réinsertion sociale sont destinées à permettre le
reclassement du détenu à sa sortie de
prison. Elles peuvent bénéficier aux détenus qu’à l’issue de la période
de sûreté, s’il en a été prononcé
une.
Dorénavant, ces mesures devront être prises après un débat
contradictoire tenu en chambre du conseil
et au cours duquel le condamné pourra être assisté d’un avocat. Elles
devront être motivées et seront
susceptibles d’appel devant la Chambre des appels correctionnels (art.
L. 125 du Code pénal). L’appel
du parquet, s’il est formé dans les 24 heures, suspendra l’exécution de
la décision.
Ces mesures ont des finalités diverses :
- les réductions de peine : Elles sont accordées en fonction de la
conduite du détenu, de
sa réussite à des examens ;
- Les permissions de sortir : Elles sont utiles pour réadapter
progressivement le détenu à
sa future sortie ;
- Le placement à l’extérieur : Pendant la période de détention, certains
condamnés
peuvent travailler à l’extérieur sous la surveillance du personnel
pénitentiaire ;
- La semi-liberté : Pendant la journée, le condamné travaille, suit un
enseignement,
reçoit une formation professionnelle ou subit un traitement médical. Le
soir, il retourne en
prison et y passe la nuit. Le JAP peut révoquer la semi-liberté en cas
de nouvelle
infraction ou de mauvaise conduite du condamné ;
- Le libération conditionnelle : La mesure de libération conditionnelle
suspend la peine
d’emprisonnement. Elle intervient lorsque le condamné a déjà exécuté une
partie de sa
peine. Cette mesure peut être prononcée par le JAP si la peine est
inférieure ou égale à 10
ans, ainsi qu’aux peines dont la durée restant à subir est inférieur à 3
ans (depuis la loi du
15 juin 2000).
Dans les autres cas (peines criminelles de plus de 10 ans, sauf pendant
les 3 dernières
années), ont été instituées :
- des juridictions régionales de libération conditionnelle, compétente
en premier
ressort dans chaque cour d’appel
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- une juridiction nationale de la libération conditionnelle, compétente
en appel
composée de conseillers à la Cour de cassation ;
- Le Ministre de la Justice a perdu toute prérogative en matière de
liberté
conditionnelle.
La libération conditionnelle est assortie d’un délai d’épreuve et
d’obligations
particulières. Elle peut être révoquée en cas de nouvelle infraction,
d’inobservation des
obligations ou inconduite.